Deux ans déjà… il m’aura fallu tout ce temps pour écrire sur ce jour là ! Le 7 Janvier 2015. Le jour ou ils ont décimé la rédaction de Charlie Hebdo. Encore aujourd’hui, je n’arrive pas à croire qu’ils ont massacrés tous mes amis d’un coup, comme ça, un sombre matin d’hiver.
Ce jour là, j’ai allumé la télé vers midi et ce fut comme un cataclysme qui percutait mon existence. J’ai pleuré, j’ai suffoqué de stupéfaction, j’ai vécu un flash-back instantané. J’avais alors une vingtaine d’années et j’étais avec eux, ceux de Charlie qui n’étaient pas encore Charlie hebdo. C’était mes potes, mes amis, mes compagnons de route. je partageais leurs idées, leurs rires, leurs révoltes… C’était ma famille de cœur…
C’est avec eux que mon cœur c’est ouvert à la littérature, aux beaux mots, que ma révolte d’adolescente fragile a trouvé une voie d’expression… sur les planches, dans les discussions enflammées, les chansons, les dessins, l’écriture…
Puis, j’ai bifurqué, mais en moi cette époque est restée comme un tremplin vers ailleurs, je l’ai gardé bien au chaud…
Serais-je en train de tenir un blog si je n’avais pas côtoyé la bande à Charlie, aurais-je écrit chansons, livres et chroniques… Serais-je devenue biographe…Je ne le saurais jamais, mais…
Et ce jour là, j’ai soudain vu dans cette écran plat à la con une boucherie, un ravage, une rafale, un abîme, une ineptie… J’ai vu mourir mes amis quasiment en direct… J’ai eu peur… peur pour ceux que je connais personnellement et qui était forcément à la rédaction de Charlie en ce matin puant. J’ai passé des coups de fils et par miracle, ils étaient en vacances.
Ensuite ce fut le cauchemar… Le truc où tu te dis : « je vais me réveiller, ça va se terminer, c’est une connerie, un canular, un bug », mais non, plus les minutes passaient et plus je sentais que j’allais devoir accepter l’insoutenable… Ils étaient bien mort, là comme ça pour leur engagement artistique et politique, canardés par deux dingues qui en plus, je l’apprendrai plus tard ont grandi juste à côté de l’endroit où j’ai vécu 18 ans. En clair, ils auraient pu être les grands frères des copains de mon fils… et tandis que je promenais Tim dans sa poussette sur les bord du canal de l’Ourc dans le 19ème arrondissement de Paris et que je manifestais naïvement contre le racisme, eux était en train de créer la « filière du 19ème » et de se préparer à frapper quelques années plus tard.
Puis, passé le premier choc, mes mots de soutien aux rescapés de cette folie, les messages sont arrivés sur Facebook, les « je suis Charlie »… Et là, encore sonnée, j’ai découvert que parmi mes amis proches, certains n’étaient pas Charlie. Ils ne comprenaient pas, jugeaient… Grrrrrr… C’est dur ça, mes amis !
Ils n’aiment pas l’humour Charlie… Ils ont le droit, je comprends, mais quel rapport avec l’horreur qui venait de frapper les hommes, les femmes de Charlie et leurs familles ? Quel lien peut-il exister entre aimer ou pas un artiste, un voisin, le boulanger du coin et aller le massacrer à coup de kalachnikov, je ne vois pas ! « je suis Charlie » n’a juste rien à voir avec j’aime ou j’aime pas le journal Charlie Hebdo. Pour moi, y’a pas de « oui mais… », non, y’a juste des êtres humains morts pour leurs engagements… J’ai même entendu dire qu’ils étaient racistes ! Ceux de Charlie, racistes…là c’en était trop ! Ceux qui s’engagent contre toutes les injustices, les discriminations, les corruptions traités de racistes…
J’ai réagis, avec tristesse et virulence, je me sentais moi aussi niée, insultée… C’est comme si je prenais un pavé dans la gueule ! Puis, j’ai raconté la gentillesse et l’humanité de ces gens là, ceux de Charlie, derrière leur image fougueuse, leur ton cassant : Cabu, Wolinski, Charb, Honoré, Tignous, Elsa Cayat, Bernard Maris, Mustapha Ourrad… étaient de vrais gentils, j’en suis sur !
C’était leur voix d’expression humoristique et satirique et c’est avec talent qu’ils dessinaient et écrivaient leur dissidence… C’était leur forme d’engagement à eux. D’autres choisissent la militance, eux c’était le stylo et le crayon…C’est grave docteur ?
Puis, la révolte m’a percuté, une révolte contre ceux que j’ai toujours défendu, les maghrébins avec lesquels j’ai grandi dans les quartiers populaires de banlieue parisienne et qui au non de la religion venait de massacrer mes amis ! Une révolte insensé que j’ai rapidement repéré comme étant une erreur, un leurre. Non, Malika, Aïcha, Bea, Tarik et tous ceux de mon enfance et plus tard de celle de mon fils et encore ceux d’aujourd’hui n’ont rien à voir avec tout ça, je les aime, j’ai une grande affection pour eux et je les remercie pour tout ce qu’ils ont apporté à ma vie ! Mais j’avoue, emporté par la colère, j’ai failli leur en vouloir…Ne nous trompons surtout pas de cible !
Dun coté il y a des dingues, épris de violence et de haine qui ont grandi sur notre sol, pas à l’autre bout du monde, non chez nous, avec nous et d’un autre coté les autres, tous les autres quelques soient leurs croyances…
C’est la désespérance, la violence, la politique , le fric, le pouvoir, les intégrismes religieux, le manque de futur, d’amour qui sont en cause pas mes amis musulman, je l’affirme aujourd’hui ! Et je continue à croire que lorsque l’on laisse des pans entier de la société partir en couille, livré à la violence, aux maffias diverses et aux politiciens véreux, voilà ce qui arrive, un jour l’élastique tendu au maximum te reviens dans la gueule ! Enfin il revient dans la gueule de ceux qui n’y sont pour rien, par contre ceux qui ont contribué a enraciner sur notre sol ce fiasco, eux défilent et fanfaronnent dans leurs costumes moches…
Puis, j’ai pris conscience de mon identité, de ma culture française, d’un coup comme ça… Merde, mais je suis Française, je suis laïque, j’aime la liberté, la dérision, j’aime Charlie comme j’aime aussi le Dalai lama et mes amis musulmans. Ben oui, c’est ça la France. J’ai le droit d’aimer Charlie, mes amis musulman et le Dalai lama... J’ai appris que seul 13 pays au monde sont laïc, j’ai appris ce qu’était le droit au blasphème, j’ai appris ce qu’était vraiment la laïcité, bref j’ai appris beaucoup mais franchement j’aurais préféré rester inculte et que mes amis de Charlie soient encore là !
Allez mes potos de Charlie, que l’inspiration soit avec vous ! Merci d’avoir résisté, d’être encore là…merci pour le rire, pour la joie… Et beaucoup d’affection aux familles… et à tous ceux qui par la suite ont péri sous les balles de ces infâmes personnages.
8 janvier 2017 at 13 h 48 min
Ton billet est hyper émouvant… Je comprends tout ton parcours émotionnel, tes déceptions, tes colères.J’admire ta capacité à mettre des mots là-dessus, des mots qui sonnent justes.
Je me souviens du mercredi 7 janvier 2015 comme si c’était hier. Ce jour-là mon innocence, ma naïveté ont volé en éclats et ce n’est pas une simple formule. J’ai pleuré toute la journée, j’ai pleuré le Cabu de mon enfance que je regardais dans récré A2,j’ai écrit des billets sur mon ancien blog, poèmes, cris du coeur et de révolte. Pour me vider de toute cette colère.
Et puis le 13 novembre est arrivé… comme une nouvelle blessure encore plus forte.
Tout ça a remis beaucoup de choses en cause dans ma vision du monde. J’ai toujours les mêmes valeurs de Tolérance, de Justice, d’Egalité. Mais j’ai appris que même en France au pays de la Liberté on peut mourir pour ses idées, ou tout simplement pour ce que l’on est.
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9 janvier 2017 at 12 h 36 min
Oui, ce sont des chocs qui transforment notre vision du monde. Une telle barbarie n’arrive pas à entrer dans notre cerveau. On ne comprend pas comment des jeunes qui ont grandi a coté de nous peuvent en arriver à de tels actes. Heureusement, ils ne sont pas si nombreux et ils ont face à eux au contraire une majorité d’être humains qui quelle que soit leur croyance résistent à cette violence, voir même agissent solidairement. Des gens tolérants au delà de toute croyances et appartenances. Merci de ton commentaire et que 2017 porte la paix et la tolérance
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8 janvier 2017 at 20 h 47 min
❤ ❤ ❤
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9 janvier 2017 at 9 h 13 min
Merci de partager avec nous ces mots si intense.
Je n’aimais pas Charlie hebdo, je ne l’aime toujours pas. Mais j’ai tout autant été frappée par l’absurdité de cet acte ignoble. Si ces gens avaient été de vrais croyants, ils auraient laisser la sentence à leur Dieu… Et depuis ils ont bien confirmé que la seule chose qu’ils défendent c’est la terreur et le chaos, contrairement aux musulmans que je côtoie.
Mes sincères condoléances pour tes connaissances perdues.
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9 janvier 2017 at 12 h 22 min
Merci Flora pour ton commentaire plein de tolérance et d’intelligence.
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