Pour continuer dans la série des extraits tirés de mon premier roman « dans une chambre secrète », je vous livre mon sentiment d’il y a 15 ans sur l’amour, le compagnon, l’autre, celui que l’on côtoie tous les jours ou que l’on a pas encore trouvé, celui qui hante nos nuits par son absence ou qui se love dans le creux de nos reins… Avec le recul, ce texte continue à me servir de guide, de repère, mais… je vous ne le dis pas le « mais »… j’attends d’avoir votre avis pour ne pas l’influencer.

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Et puis aussi lui, mon futur compagnon…
Je sais c’était une belle envolée, mais là ça va coincer un peu, je le sens. Reprenons. Alors donc lui, moi, ensemble, pas ensemble, ici, ailleurs, quand, comment, qui ? S’il pouvait m’aider un peu, ça ne ferait pas de mal. Je sais qu’il existe évidemment, qu’il n’est pas très loin.

J’aime que ça bouge autour, que le feu crépite dans l’âtre, que ça mijote dans la chaumière.
J’aime sentir la chaleur de l’autre déborder sur moi, s’étaler partout dans la maison.
J’aime l’absence pour la joie du retour, la table dressée pour l’attention portée, le moment de partage.
J’aime sentir ma vie croiser la sienne et s’arrêter un moment pour mélanger nos violons.
J’aime m’endormir au son d’autres vies et sentir ma peau juste effleurer sa peau.
J’aime approfondir les mots et le silence, sentir comme le funambule sur son fil, le risque de l’instant où tout peut basculer ou se relâcher.
J’aime aimer, donner, me perdre un instant, me livrer un moment pour mieux me retrouver.
J’aime engager mon souffle et sentir le sien le recevoir.
J’AIME…
Caché derrière le rideau de mes peurs, il ne veut pas sortir de l’ombre…
Allez sort du placard à balais ! Celui de mon enfance, là où m’emmenait mon arrière-grand-mère. C’est bon maintenant l’orage est passé, je peux me dépasser…

Cette fois-ci, piano, piano… pas trop vite.
Comme le Petit Prince avec le renard, nous nous apprivoiserons. D’abord loin et puis chaque jour on s’approchera un peu plus. Parfois, il faudra peut-être reculer, trouver la bonne distance sans que l’un ou l’autre ne se sente oublié.
On ne croira pas à l’altération de la conscience produite par le sentiment amoureux et sur lequel s’adosse la plus grande escroquerie de tous les temps. Bien sûr qu’on le vivra, comme jamais même ! Mais avec une sorte de hauteur, quelque chose qui laisse passer la lumière sans l’attraper, sans l’emprisonner, sans l’accaparer et, si elle est trop forte, que nous sentons l’éblouissement, on appuiera sur « pause », juste le temps de se retrouver. Je sens encore la peur. Y a des ronces en travers du chemin. Elles sont là, et j’ai peur que la moindre épine me brise, me disperse dans l’univers. Je voudrais le sentir là, juste derrière au moment où j’écris, effleurant mes épaules, entraînant ma lumière… Et puis loin au même moment, très loin, là où l’on ne peut pas m’atteindre.
Mais je continue la route, comme si j’allais m’arrêter quand tout commence…

On prendra du soin, un soin sans condition. Un soin qui panse, allège, relie, comprend, sourit. Un soin qui extrait de soi-même l’essence la plus pure pour l’offrir en partage à l’autre.
Cette senteur, loin d’attirer vers soi, de retenir celui qui la goûte, l’envoi vers lui-même, vers sa destinée, vers sa rencontre au monde. Elle dit « va » et non pas « viens ». Allez va, tente, essaye encore, sors de moi, de toi. Ne laisse pas les tissus de la peur recouvrir le talent du bonheur.

Qui a dit que l’on ne pouvait plus vivre ensemble, que le cendrier oublié sur la table du salon, le pot de confiture mal fermé, la bouteille d’eau pas remise au frigo, les jours de pluie, le gamin qui ne veut pas faire ses devoirs, la voiture en panne, l’amant caché ou pas devaient être fatals ?
Qui a dit qu’il n’était pas possible de se vivre à deux, à trois, à dix sans se vautrer dans l’autre comme dans une nuit sans lune ?
Qui a dit qu’il fallait se calfeutrer, se digérer, s’émanciper seule?
Moi, je ne le connais pas celui qui a dit tout ça, mais il me paraît bien peu crédible. Sans doute habité par le règne du secondaire a-t-il cru que l’autre était un ennemi, que chacun de ses gestes, chacune de ses pensées existait pour désorganiser son ridicule petit monde rassis.
Lui, je ne veux pas qu’il monte sur notre vaisseau. Interdit au gros monsieur à lunettes, on va écrire à l’entrée. Il ressemble au « facteur moustache », celui de mon enfance, tout là-haut dans les premières pages, entre les racines. Je savais bien que je le rencontrerais encore et encore celui-là, mais ce coup-ci dehors, je suis une femme maintenant, il ne me fait plus peur. Allez ouste, du vent ! Il doit être d’ailleurs bien malheureux ce monsieur. Désolée les hommes, mais ça ne peut pas être une femme.
Certes, il est parfois des temps où il est souhaitable de se retirer, mais se retirer de quoi et pour aller où ?
S’agit-il d’un simple besoin de rassembler les morceaux du puzzle éparpillés ou d’un enterrement définitif et peureux d’une lumière trop étincelante ?

On dit de toi « homme » que tu ne sais pas aimer, que tu cherches une maman, un cul pour la nécessité, un cœur pas trop occupé à autre chose qu’à dorloter tes errances, que tu es égoïste et violent. On le dit et on l’expérimente aussi parfois…
On dit aussi de moi, de vous « femmes » que nous sommes des bouffeuses, castratrices subtiles, qu’une fois la semence déposée en nous, nous précipitons la partie vers sa fin sans scrupule en gardant les marmots sous le bras, en récupérant les meubles. On dit que nous sommes des victimes sans défense, mais quand même nous l’avons bien provoqué voir mérité.
Oui on dit beaucoup de choses !
On dit aussi d’un « fleuve qui emporte tout sur son passage qu’il est violent, mais on ne parle jamais des rives qui l’enserrent ». ( Bertolt Brecht )
Eh bien justement, parlons-en des rives qui l’enserrent ! Je me plais à parler de ce dont on ne parle jamais.
Parce qu’avant d’avoir dit tout ça, avant de séparer, de briser, de cadenasser chacun dans son vingt mètres carré, il y a l’appât. Idéalisé, romantisé, conformisé, assaisonné des sauces les plus succulentes et illusoires. L’appât : Ce « bonheur » institutionnalisé à l’eau de fraise. Lui, sa fonction, c’est de nous bercer dans les liquides croupissants de la facilité, de nous poser là dans le canapé Ikea, côte à côte, un sourire dans la main droite, un bébé dans la gauche et voilà le tour est joué. Tu es casé, normalisé. Tu peux te consommer, te consumer…
Ce n’est pas celui-là de « bonheur » qu’on séquestre. Evidemment il est rentable ! Au contraire on te le sert et ressert jusqu’à la nausée. Et quand la nausée est là, quand tu es ligotée à toi-même, on attaque, on lance la deuxième phase du plan. Là, entre en scène psy, stage en piscine d’huiles essentielles, pilules magiques, conseiller en tout genre, avocat, juge, médiateur, agent immobilier. Bien sûr, maintenant il faut tout recommencer, re- consommer… Et pendant que tu essayes en vain de reprendre ton souffle, on est déjà en train d’essayer de te vendre le parfum pour ta nouvelle conquête !
Oui, peut-être j’exagère mais je ne vois pas bien où si on regarde d’un peu plus près…

Ce dont je parle, c’est de ce bonheur où coule encore la sève ; de la saine profondeur d’une vie révélée à travers l’autre ; de l’approfondissement quand se lève le voile. Ce bonheur-là ne se suffit pas à lui-même, il devra pour vivre se donner, se partager, se nourrir à d’autres bonheurs. D’autres bonheurs dans lesquels nous n’aurons pas le rôle principal… Nous devrons l’accepter, s’en réjouir même. Oui, se réjouir de voir ton compagnon, ta compagne s’égosiller de joie sans toi, ailleurs, avec d’autres…
Qui d’autre encore a dit que notre cœur serait si minuscule qu’il ne pourrait accueillir qu’une seule personne ? Sans doute un frère du facteur moustache, son disciple peut-être ! Accoudé aux royaumes des ombres, ce prédicateur visqueux voudrait nous retrancher dans les moiteurs de la possession de l’autre. Il voudrait nous enseigner le rétrécissement, l’écrasement du cœur sur lui-même. Toute une vie sans aimer d’autres, rien que toi et moi et finalement plus personne. Y’ a un hic quelque part…
Moi je ne peux plus m’immerger dans ce bain de louanges empoisonnées. Mon cœur, il est immense et au détour d’une vie il rencontre d’autres cœurs, un instant secrètement, parfois plus, il veut s’émerveiller à d’autres sources, se tremper dans d’autres mystères pour mieux revenir vers le tien.
Il a besoin d’être plein pour laisser l’espace, la respiration à l’autre. Pour cela, je ne vois rien d’autre que d’être habité, rempli par soi–même avant de vouloir se lover sous le toit de l’autre.
Pas très facile à encaisser, hein ?
Ca reste un peu coincé par où ça passe, mais c’est ainsi. « Ils furent heureux et eurent beaucoup d’enfants », on voudrait encore y croire de toutes nos forces…
Et pourtant, il nous faudra un jour ou l’autre déposer sur le paillasson de nos vies les princes et princesses rencontrés quelque part dans les maisons de notre enfance. Ces personnages magiques, protecteurs de nos nuits, héros de nos jeux, locataires de nos univers merveilleux auraient simplement dû rester aux côtés du père Noël. Ils ont très bien joué leur rôle, mais au moment de se séparer, nous n’avons pas voulu les quitter, nous les avons retenus, séquestrés. Aujourd’hui ils sont encore là, ils continuent de se répandre tout au long de nos histoires d’adultes comme des phares au loin, inaccessibles, entretenant l’illusion du jour où peut-être le « je t’aime » chuchoté au cœur de la nuit sera inébranlable. Ils sont partout, film, chanson, roman…
Désolée mes amis, mais ils ne subsistent aujourd’hui en nous qu’à la hauteur de nos manques et de notre insécurité. Ils sont devenus des ombres qui hantent nos futurs… Nous ne les appelons que pour alimenter un circuit rouillé. Pourquoi ne pas le reconnaître ? Il serait pourtant simple d’accepter la date de péremption de ce décor. Oui, un jour tu m’aimes et le lendemain tu ne m’aimes pas. Non pas parce que tu es un horrible personnage dépourvu d’amour, asséché, mais parce que tu es un être humain très sain qui sait se dire et s’ajuster à lui-même.

Je parle donc de ce voyage pour lequel, mon futur compagnon, tu devras accepter un confort précaire, la rencontre inévitable, mais oh combien salvatrice, avec des sacs de rêves percés, des abîmes habités, des trous dans l’unité. Mais derrière le paravent des peurs, derrière l’illusoire découragement se cache l’ultime richesse, celle qui donne la croissance ; non, la compensation du néant. Allez soyons un peu sérieux, j’ai besoin de lui, de moi, des autres et s’il en manque un des trois, quelque chose s’aplatit, se recroqueville.

Allez va, je t’attends, je m’attends, je nous attends, j’attends l’inconnu…

Vous en pensez quoi ?