De retour pour des nouvelles de mes aventures togolaises. C’est par ici pour le premier épisode :https://allumerlescouleurssite.wordpress.com/2019/02/14/de-retour-de-mon-voyage-damour-au-togo-1re-partie/

Et toujours cette petite angoisse de ne pas trouver les mots justes pour retranscrire ce joyau que fut mon voyage au Togo. En réalité, j’ai passé la première semaine avec la larme à l’œil tout le temps. En admiration 24/24. Pas de répit la Kathou. Un peu fatigant, je l’avoue mais  tellement bon après 10 ans d’abstinence. 

Nous en étions donc à la seconde journée. Juste après la peinture végétale.

Repos au village, visite de la famille. La maison d’enfance de D. Ses sœurs. Comment retranscrire ce sentiment qui m’animait à ce moment-là ! Y’a la vision occidentale, nous on a tous vécu dans des maisons ou des apparts bien proprets, confortables, et l’on découvre un fatras de tôle ondulée, de portes rafistolées, une cuisine au feu de bois à même la terre dans une pièce toute noire…le tout posé sur la terre…on est là, partagé entre l’injustice profonde de ce monde qui ouvre les portes de ses royaumes à un tout petit pourcentage d’êtres humains et qui laisse à la traine tous les autres dans des conditions de vie, d’hygiène, d’éducation très limite et le doute, un doute qui au fond te tiraille… Mais en fait était-il plus malheureux que moi ici, moi qui nageais dans le confort, moi qui errais au milieu d’âmes grises, psychologiquement saccagées…alors tu poses la question, tu demandes «  mais tu étais heureux là  ? » et on te répond un « oui » bien net, bien calé, un « oui » sans résidu ! 

Elle est où la réalité ? Dans quel cargo avons-nous été embarqués de ce côté-là du monde ? Est-ce vraiment là que se trouve le bonheur  ? Est-ce que l’on doit vraiment remercier les miettes que l’on nous distribue chez nous, volées en partie sur le dos de l’autre moitié du monde ? 

Là, où ça tape plus fort, c’est juste quand tu comprends que ça va être compliqué pour se soigner, qu’il n’y a pas l’argent…et nous on est là sur notre bout de terre privilégiée à se prendre la tête pour savoir si on va choisir la machine à café Malongo ou Expresso… 

C’est plus fort que moi, pardonnez-moi mais je ne peux pas m’empêcher. Je ne supporte pas, je ne supporte pas l’injustice…

Préparation du foufou. Elles pilent l’igname.
Véronique dans le soleil couchant
Les deux frangins : Désiré et Bruno

Puis un autre jour, on est allée voir un premier jardin d’enfants ouvert il y a 17ans à Kuma-Adamé. Là j’ai retrouvé ma petite José. José, jardinière d’enfants volontaire, bénévole depuis 17 ans. Je n’avais pas imaginé ça en ce temps-là ! Non seulement  qu’elle resterait aussi longtemps et surtout pas sans être payé ou presque ! Ma José que je regarde aujourd’hui comme une sainte, qui s’occupe des bambins de tout le village depuis tout ce temps ! Mais où étais-je donc, ou était mon cœur, ma tête ? On va reprendre José, on va trouver une solution pour t’aider…admiration…

José

Et puis, ces longues discussions tout le temps, partout, j’ai posé des questions, j’ai voulu tout savoir sur la vie, la vraie vie quotidienne, l’argent, le couple, la famille, l’amour, la mort, les projets, les rêves…

Un qui travaille pour tous les autres, il court, il n’en peut plus…pas le choix…les femmes qui souvent continuent à avoir cette représentation abîmée et un peu désuet que l’homme doit tout assumer financièrement…et l’homme qui essaye de gérer, qui court après l’argent tant bien que mal perdu entre tradition et nouveau modèle. Et la femme, parfois la seule, parfois la seconde, la troisième, la quatrième… qui porte, qui porte les enfants, qui porte les années, qui porte tout sur son dos, sur sa tête…tout est si différent et si proche en même temps ! 

Mais surtout, pas de jugement…chut… tu crois qu’ils en ont combien toi des dossiers les hommes en occident, des dossiers cachés ? Oh, pas tous bien sûr, mais là-bas non plus, pas tous ! On a tous notre lots de contradictions et de vieux démons qui rodent…et tous nos qualités aussi bien sur…

Une scène inoubliable : On est vendredi soir et les frères de D arrivent au village, à la maison ou je suis, ils sont 3 + D, mais c’est l’heure du diner… je fais quoi, j’ai des fruits et des légumes étalés sur le sol, un camping-gaz posé par terre et quelques ustensiles… et en Afrique si quelqu’un est là, il mange avec toi, c’est sans discussion. Tu me diras, chez moi aussi c’est comme ça, mais je me suis mis une pression d’enfer. Je fais quoi  ? A manger pour tout le monde ou rien, j’attends que Désiré décide de quelque chose  ? Je me suis lancée avec mon riz et mes légumes, je n’avais presque rien, ni viande ni poisson, juste des œufs. J’ai cuisiné ce que je pouvais en ajoutant de l’huile d’olive qu’il ne connaissent pas, j’en ai mis plein ! Eux, ils discutaient dans leur langue et ils se marraient… Je me suis vite rendue compte qu’en fait, ils n’étaient pas du tout en train de me juger, mais qu’ils étaient tout étonnés de me voir faire à manger. Intimidé même. Ce jour-là, j’ai changé la représentation qu’ils avaient des femmes blanches. On n’accueille pas les gens chez nous pour manger quand ce n’est pas prévu ! Eh ben si… et en plus, ils ont adorés. Le lendemain vous savez quoi ? Tout le village était au courant que la « yovo » avait fait à manger au Togolais. Ils en parlaient tous et les sœurs m’ont amené un plat ( une pâte de Maïs ) en rigolant ! J’avoue que j’étais assez fière de moi…

J’adore voir les préjugés voler en éclats ! 

Puis, une journée de tourisme sur le plateau de Danyi avec un petit jeune français volontaire qui était dans une association d’éco tourisme et que j’ai invité a venir avec nous ! 

Nous nous rendions dans un monastère de moines et de sœurs. La piste est longue et en hauteur, c’est toute une histoire pour arriver là haut ! Un déjeuner chez les petites sœurs, tout simple, tout sympa avec du poulet et du couscous et on achète des produits bio faits par elle, beurre de karité, confiture de mangue, café torréfié sur place… Chez les moines, c’est étrange mais l’ambiance n’est pas terrible ! La descente par une autre route a été cocasse. Des heures de piste défoncées en tape-cul avec les seins qui bringuebalent…( vous voyez l’image ).

Puis, nouvelle visite à un jardin d’enfants, mais pas n’importe lequel puisque c’est celui de Kuma Tokpli justement. Le cœur, le premier de tous ! Et une magnifique information recueillie : tous les enfants de la première année sont aujourd’hui à l’université. C’est pas beau ça ! Sans rien, sans argent, juste avec un peu d’organisation, d’attention au gens et de volonté humaine, du punch, du cœur, des âmes sensibles qui veulent s’en sortir, qui y croit encore un peu et des Yovo ( nous ) qui ne se sentent propriétaires de rien ! Oui il parait que certaines personnes et/ou ONG, quand ils parrainent un projet se sentent propriétaire de celui-ci et empêchent toute autre personne de s’approcher, je viens d’entendre ça et ça me pèse, c’est tellement ridicule : je paye, donc je suis propriétaire. C’est bien un concept occidental ça ! Et pendant ce temps, j’ai mon amie Assia qui depuis 10 ans retourne au Togo tous les 3 ans à ses frais pour former les jardinières d’enfants à la pédagogie Montessori, qui régulièrement les soutiens financièrement  et qui se retrouve avec des bâtons dans les roues de la part de ces gens-là ! Beurk… Eh oui, même les plus belles causes sont parfois défendues par des gens avides de reconnaissance et de pouvoir. J’espère juste pour ces gens-là qu’ils ne vont pas me croiser sur leur route ! A tout à l’heure pour le 3ème épisode.

Jardin d’enfant aujourd’hui
Le jardin d’enfant en 2001