Me revoilou pour le 3e épisode et probablement le dernier de ma saga togolaise, mon «  voyage d’amour » au Togo. Pour les 1 et 2ème épisode c’est par ici https://allumerlescouleurssite.wordpress.com/2019/02/14/de-retour-de-mon-voyage-damour-au-togo-1re-partie/

et par là : https://allumerlescouleurssite.wordpress.com/2019/02/18/de-retour-de-mon-voyage-damour-au-togo-episode-2/

Ecolo dans l’âme, mon ami D aime la nature, les fleurs, d’autant plus depuis qu’il bosse comme un dingue dans un bureau de la capitale entre paperasse et ordinateur. Il imagine bien sa retraite dans un écovillage. Bien entendu, le réchauffement climatique et les aberrations écologiques qui harponnent nos modes de vie depuis 10 ans sont aussi arrivés en Afrique et au Togo. Heureusement car vu l’ampleur du continent, s’il reste en dehors, on est mal barré. Tout le monde comprend bien que la catastrophe écologique qui touche notre monde n’épargnera personne. Donc, on en parle… les sacs en plastique qui dansent partout, le Glyphosate et toutes les merdes de chez nous qui sont envoyées par bateau là bas…

Une scène. Nous étions dans une épicerie tenue par une Indienne. Mon ami D demande un sac à la dame qui l’engueule en lui disant que les Togolais n’ont aucune conscience des conséquences de ces sacs et bla bla bla… Elle avait raison la dame, je ne pouvais pas dire mieux…on n’a pas pris le sac en plastique ! 

Mais revenons à ce que D a nommé pour l’instant le « champ des volontaires » qui a pour vocation donc de devenir un écovillage. On m’emmène sur le terrain qui doit être utilisé pour ce projet. Je regarde et je me dis : Ben là, y’a du boulot ! j’imagine déjà les engins de chantiers qui débarquent pour creuser, élaguer, aplanir, couper etc. tout en me disant que bien sûr c’est impossible qu’aucun engin de chantier n’arrive jusqu’à là ! bref, je n’imagine pas un instant que c’est le coupe-coupe qui va agir pour dégager ce qui doit l’être ! Et voilà D et son frère Sam qui s’y mettent…là comme ça, tout de suite, en pleine chaleur…moi j’étais déjà liquéfiée voir lyophilisée… donc l’idée, c’est potager bio, permaculture, apiculture parce qu’il y a des ruches et des apiculteurs qui depuis longtemps déjà travaillent là. On peut aussi imaginer des fleurs, des plantes aromatiques, du café, des poules, des chèvres, des moutons…et aussi des éco-lodge pour se loger. Pour commencer, il faut faire remonter l’eau de la rivière qui est en bas du terrain. Une pompe, des tuyaux et un réservoir… Avis aux amateurs et/ou spécialistes, si l’idée vous tente, vous pouvez participer mais j’en reparlerais… Un beau projet très à propos puisqu’il donnerait également du boulot à quelques personnes et offrirait de belles opportunités d’accueil pour tous ceux qui veulent venir découvrir notre village. 

Moi j’ai surtout pris des photos et admiré les mecs au boulot qui déplaçaient la ruche et débroussaillaient avec le coupe-coupe…

la ruche

Notre dernier jour au village. Je commençais à sentir le retour pas facile du tout. Un truc qui te prend au tripes et qui te fout en l’air le moment présent. Je le sentais rude ce retour ! Mais bon on a juste traversé une journée fantastique, invité par le fameux Benoit du début que j’ai rencontré dans l’avion et dans la brousse y’a longtemps. 

Départ de la maison taxi moto. Pour aller de Kuma Tokpli à Kuma Apoti, ça commence à devenir compliqué avec une voiture normale si tu ne veux pas la bousiller complètement. La piste est creusée ! J’étais contente car finalement c’est la seule fois où j’aurais pris le taxi-moto pendant ce voyage, or j’ai des souvenirs impérissables lors de mes précédents voyages… Donc nous voici sur la piste en direction du dernier jardin d’enfants que nous avions contribué à ouvrir en 2001. Mais pas seulement le jardin d’enfant, non là-haut, y’a ma sœur, Bella, une des plus belles rencontres de mes années de périples togolais. Bella ! 

Une immense femme du monde… magicienne de l’attention exacte… de ce genre qui devance tes besoins, qui capte, qui entend, qui sent et qui t’offre le plus beau des cadeaux : l’attention. Par elle, l’amour de l’humanité m’était tombé dessus comme un rayon de lune. Difficile de trouver les mots pour honorer cette grande dame ! Et là, j’allais revoir ma Bella. Bella, celle avec laquelle je peux papoter des histoires de femmes, celle qui raconte son histoire, ses hommes, ses enfants…c’est assez rare de trouver des femmes avec lesquelles on peut parler vraiment, elles sont souvent timides et en retrait mais y’en a de plus en plus…

C’était un grand moment ! Bella est aussi resté une bonne dizaine d’années en tant que volontaire au jardin d’enfants, c’est seulement depuis 2015 qu’elle a passé et obtenu le concours de l’état et a fini par être rémunérée par l’état. Je l’aime…de belles retrouvailles parmi les petits du jardin d’enfants. Ensuite, on est partie à pied chez Benoit dans la brousse avec les nombreux petits entre 2 et 6 ans. Vous imaginez un peu la scène ! un bon quart d’heure de marche…j’aurais pu suivre la piste tranquillement avec les enfants mais je me suis faite embarquer à la découverte d’un jardin potager au fin fond la brousse…ma ma mia…j’ai cru que j’allais finir en flaque ! Plein soleil dans la brousse bien grasse où t’as l’impression qu’au-dessus de ta tête se contorsionnent une bonne dizaine de serpents venimeux, j’ai bien dit «  l’impression »… je marchais tel un zombi jusqu’a ce que je sente la chaleur m’écraser au sol, à l’ombre, OUF ! On a fini par arriver chez mon ami Benoit ! 

En route avec les petits…
Bella

Le genre d’endroit où je m’étais demandé 15 ans plus tôt si c’était bien moi qui étais là ou si je rêvais. Moi, la peureuse de toujours et de tout, qui flippe pour rien ! Oui, c’était bien moi ! c’est comme ça au Togo, j’y comprends rien… je suis bien et je n’ai plus peur de rien ou presque… 

Afrique, tu m’envoles, me transcendes…

Benoit et ses amis nous ont accueillis comme des rois et reines. Au menu, une chèvre, du riz et sa sauce. Cérémonies d’usages au village. Le vin de palme, salue, puis re vin de palme et y’avait même du vin rouge que benoit avait gardé pour moi…j’ai limité la casse car le vin de palme à 35 degrés, si tu ne fais pas gaffe, tu restes là pour la vie ! ( remarque, parfois je me demande si…)

Chez Benoit…

Puis, on est remonté lentement avec nos petits qui se battaient pour nous donner la main. 

Puis visite de la maison de Bella qui 15 ans plus tôt m’avait accueillit et confidences ( non, je ne vous dirais rien, pas la peine d’insister ) … j’aurais aimé passer plus de temps avec elle mais c’était fini, j’allais regagner Lomé, Paris et Perpignan…le vent tournait…

J ’allais quitter cette terre de réconciliation…le cœur plein, débordant de tout mais surtout d’amour…une nouvelle déferlante dans ma vie qui me purifie, m’envoie vers de nouveau horizon, me plonge à nouveaux vers l’aventure du don et du partage…c’est mon dessein, mon destin, ma porte de vie…

Le lendemain, jour de retour à Lomé, c’est le papa de D qui m’a émue. 92 ans Valentin. Un homme qui a bossé toute sa vie à vendre du café pour rien à des « gros lard  » venus d’ailleurs qui n’ont dans les yeux que le profit qu’ils vont engranger sur le dos des autres. Oui, j’ai bien dit :  » sur le dos « , des sacs de 80kg il portait Valentin. Je voudrais te rendre hommage Valentin. Toi qui a su transmettre le gout des autres, de la solidarité et de l’engagement envers sa communauté à tes enfants, qui a fait d’eux des hommes et femmes droits, justes et bons, qui malgré le peu que tu avais les a encouragé et aidé à faire des études, à s’élever. Quand je capte ton regard, j’y vois la sérénité d’un homme qui a accomplit sa mission avec simplicité, courage et dignité, j’y vois la sagesse de ceux qui ont ouvert leur coeur, j’y vois le temps qui s étire et l’âme consistante qui me sourit, j’y vois la vie d’un homme bon… il ne voulait pas que je parte Valentin ! Moi, non plus, je ne voulais pas partir… A bientôt Valentin, je reviendrais t’amener de la confiture de fraise et même de Framboise, c’est encore meilleur !

Le lendemain retour à Lomé, le coeur en vrac. Un au revoir a ce que j’appelle le CROUS Togolais. C’est le lieu ou vit Adèle, la grande fille de D et ses nièces. Elles sont étudiantes. J’ai une affection particulière pour Adèle. Elle a fait partie de la première classe du jardin d’enfant de Kuma Tokpli et elle a précisément le même âge que mon fils.

Et puis rien, la mer, je ne l’avais pas vu en arrivant et on ne quitte pas Lomé sans avoir vu la mer… et on ne fait pas un article sur le Togo sans montrer la mer…

Finalement, je suis partie… trop tôt, trop vite. A trop vouloir écourter ma séparation avec D, avec son pays, j’ai filé comme une antilope vers la douane ! Le douanier m’a regardé droit dans les yeux et m’a dit « vous trouvez que vous êtes resté assez longtemps ? »…  les larmes au bord des yeux, j’ai dit « non ». J’ai filé jusqu’à la salle d’embarquement. Elles sont terribles ces salles d’embarquement, tu es encore là et tes amis sont tout prêt mais tu sais déjà que tu n’est plus là ! Assise, j’ai débordé… Impossible de résister aux flots de larmes. J’ai pris conscience que c’était terminé, dans 6 h, Charles de Gaulle… je ne m’arrêtais plus… 

Dans l’avion, j’ai voulu regarder un film pour occuper mon attention mais au bout de 5 minutes, je me suis dit : «  mais c’est quoi ces problèmes de « yovo » ? » Dépressif par là, désespéré par ci…il était bien le film mais franchement nous n’habitons pas le même monde…

Comment sommes-nous arrivés à nous mettre dans de tels états quand là bas, au milieu des dépotoirs à ciel ouvert, des pistes déglinguées, de petites vendeuses de rien du tout, de ceux qui courent pour 3 sous, on trouve des sourires, de l’amitié, de ls simplicité et une bonne dose d’humour…