Il y a quelque temps, François Bonal, un ostéo incroyable de ma ville m’a dit juste avant de quitter son cabinet : «  maintenant il faut que tu t’abandonnes à qui tu es…”. C’était juste avant mon voyage au Togo. Je suis sortie songeuse… OK dac…bon mais, je suis qui ? 

Sans réponse sur le coup, j’ai laissé les mots entrer en moi et m’imprégner, j’ai laissé le travail se faire, j’ai oublié…

Quelque temps plus tard, un matin au Togo, je me suis réveillée et j’ai compris… C’était ça qu’il voulait dire ! Là, dans mon nid d’amour, au cœur de mon palais intérieur, je savais qui j’étais et j’étais en train de m’abandonner à cet état porteur de sens ! 

De retour de mon voyage, j’ai décidé de réfléchir à ma vie ces dix dernières années ou justement j’ai quitté ce royaume. Je voulais comprendre ce qui avait agi pour avancer en conscience et accepter ce qui m’arrive aujourd’hui, cet amour qui m’envahit après 10 ans d’abstinence…et me trouble beaucoup !

J’ai donc repris le cours des évènements qui ont animé ces temps-là ! 

Mon refus d’entrer en amour avec une personne qui m’était déjà très cher à l’époque au Togo et finalement mon refus tout court de l’amour. Mon départ à Perpi avec un homme qui avait peuplé mes années de jeunesse, ma rencontre avec de nouveaux amis qui me remettaient en contact par leur style et leur énergie avec cette époque de ma vie plutôt agitée ( de 15 à 21 ans ), mon plongeon sans retenue dans l’éducation de mon fils qui traversait son adolescence. Rien d’autre ne comptait durant ces dix dernières années. Une peur panique m’avait envahi à l’approche de l’adolescence et je ne voulais pas qu’ils marchent dans mes traces. J’ai donc tout mis en œuvre pour éviter ça et j’ai réussi ! 

En écrivant cette rétrospective, peu à peu je démêle, je mets en ordre et je comprends. 

Ces dix dernières années, j’ai juste appris à apprivoiser et à me réconcilier avec mon adolescence… et ce n’est pas rien ! A vrai dire, c’est tout mon paysage de formation que la vie, mon fils, mon ami, mes amies m’ont resservie sur un plateau. Tiens, prends ça, bouffe -le et accepte que c’est de là que tu viens ! C’est le prix à payer, l’épreuve à traversée pour voir la lumière. OK, OK…

J’ai traversé… avec des hauts et des bas, des avancées et des reculs, des envies de mourir et des silences porteurs, des conflits dévorants, des apaisements…j’ai tout remâché sans m’en rendre compte vraiment… un peu…parfois… mais pas vraiment ! J’ai écrit, des articles sur la dépression de ma mère et j’ai même parlé à l’ado que j’étais, j’ai lu avec attention vos commentaires…

Heureusement, l’énergie du Togo m’avait déjà percuté avant cette époque, comme quoi la vie, c’est bien foutue… ils ont toujours été avec moi mes amis togolais, dans les pires moments, c’est toujours eux qui me sont apparus et qui m’ont aidé par leur présence en moi à y croire, à avancer… je savais qu’ils étaient là quelque part en moi et que je pouvais à tout moment y retourner, les rejoindre…me rejoindre…

J’ai compris que cette énergie qui vient d’ailleurs est justement l’opposée de ce paysage de formation que j’ai vécu dans mon enfance et dans ma jeunesse et durant ces dix dernières années. L’énergie Togolaise pour moi, c’est la douceur, la réconciliation, l’amour et le “oui”. C’est là que j’ai découvert ce qu’était l’amour. Pas un imbroglio d’attachements et d’affections toxiques muent par des intérêts contradictoires mais de l’attention, du partage, de la douceur, de la reconnaissance… c’est la que j’ai écrit :

“Comme jamais auparavant, je recevais l’offrande. Trente-cinq années de vie sans avoir su ! Comment ai-je pu vivre avant sans savoir que l’amour c’était ça…Une minuscule perle de rosée posée sur la conscience, rien du tout pour beaucoup, mais tellement pour moi. L’indicible est là comme un puits dans le ciel, un soleil posé sur le dos de mon existence…”

Mon paysage de formation est un paysage conflictuel, rebelle, une sorte d’amazone qui tire plus vite que son ombre et qui finit pas capituler épuisée, envahit pas le sentiment d’abandon et d’injustice… un “non” à la vie ! 

Alors voilà, j’ai devant moi ces deux paysages et aujourd’hui, j’ai le sentiment que celui qui a bercé mes jeunes années est comme une vieille peau, la mue du serpent qui se désagrège, qui tombe en poussière. L’amazone rend les armes pour s’abandonner, non au sentiment d’abandon mais à qui je suis…

M’abandonner à qui je suis… il a dit le monsieur si plein d’amour et de sensibilité. 

Je m’éloigne de ma famille ( je ne parle pas de mon fils )…je dépose les lourdes valises sur le quai d’une gare désaffectée et lointaine…a l’intérieur se trouve le poids des contradictions, des abandons multiples, l’accumulation de frustrations et peut-être même de celles de nos ancêtres. Je ne les abandonne pas, je m’abandonne à qui je suis ! En quelques sortes, je regarde ailleurs… Je les reconnais et je reconnais en eux ce qui a fait de moi ce que je suis justement. Au-delà des sombres paquets qu’ils n’ont pas su ou pas pu transcender, je reconnais au fond d’eux cette énergie douce, ce vent porteur mais il était recouvert d’une brume épaisse empêchant toute intrusion au cœur du profond. 

Je suis une femme de ce monde qui aime la douceur et l’amour, une femme qui dit “oui”, qui aime prendre soin des autres, qui fait confiance, qui accepte de ne pas tout contrôler et qui peut se laisse guider… une femme quoi…en fait, pas une boule de souffrance qui a peur et qui dégaine…

Je suis une femme qui ressens et qui accepte tout cet amour qui vit en moi et qui veut s’offrir, se partager mais pas vers s’importe qui et pour n’importe quoi. 

Je suis une femme prête à donner cette douceur et cet amour à celui qui est prêt à accueillir, à recevoir, à celles qui sont prêtent  à ressentir ce cadeau inestimable qui me submerge…

J’ai beaucoup trop trainé sur les berges de ceux que l’amour offusque, qui campe dans des clairières boueuses, qui prennent et qui ne rendent jamais rien !

M’abandonner à qui je suis, c’est accepter ce cadeau inestimable que la vie m’offre… ce doux rayon de lune qui transperce ma carapace, qui m’enveloppe de son étreinte a la fois forte et sereine…